mercredi 31 décembre 2008

Les vrais chiffres qui font mal


Bon, je sais, c'est mal, j'ai honte, mais tant pis, je commence par un copié collé, pour l'avoir toujours à main.
Ce post me fait rire. Il vient de .


Edition : les vrais chiffres (qui font mal)

Les chiffres qu’on va lire vont faire jaser. Ils ne sont pourtant pas secrets. Les éditeurs les connaissent. Ils les consultent tous les jours. Les auteurs, en revanche, et leurs lecteurs, n’y ont pas accès. Le grand public peut, c’est vrai, consulter les listes des meilleures ventes, publiées dans les journaux. Mais ces listes ne sont qu’un classement, et les chiffres réels des ventes n’y figurent pas. Les palmarès sont, en outre, d’une fiabilité toute relative : il n’est pas rare qu’un éditeur passe un coup de fil pour faire gagner quelques places à un auteur. Les journaux peuvent difficilement lui refuser cette faveur : les éditeurs sont aussi des annonceurs.

millet.jpgContrairement à ceux du cinéma (les chiffres de fréquentation, dans les salles, sont publiés partout, dès le jour de la sortie d’un film, au ticket près), les chiffres de l’édition demeurent donc confidentiels. Les professionnels du livre disposent de ces données, via les instituts de sondages (Ipsos, GFK, Edistat), qui pratiquent, au jour le jour, dans des centaines de points de vente, un décompte précis des sorties caisses. La marge d’erreur est faible. C’est le seul thermomètre qui permet de prendre la température de la lecture en France, à toute heure du jour et de la nuit.

Alors pourquoi ? Pourquoi ce silence des éditeurs quant aux chiffres réels de l’édition ? En ces temps de rachats d’auteurs et de coups marketing, où les à-valoir augmentent alors que les ventes sont en berne, il vaut mieux, sans doute, ne pas trop faire savoir qu’on a perdu sa culotte. Quand on sait que Christine Angot a touché, du Seuil, 250 000 euros (source Bakchich), que cette maison d’édition a, en outre, très largement investi dans la publicité du livre, il est évidemment douloureux d’avoir à reconnaître un chiffre de ventes catastrophique : 15 171 volumes vendus. D’être seulement absent des listes évite au moins de devoir rendre des comptes à l’auteur en colère.

nothomb.gifCes chiffres montrent en tout cas que la lecture a horreur du vide. Qu’elle a horreur des coups. Annoncé comme le best-seller de l’automne, le livre-secret conçu par Flammarion/Grasset (la correspondance Houellebecq-BHL) n’avait d’exceptionnel que sa mise en place : près de 150 000 exemplaires, vendus aux libraires de force, et à l’aveugle (ceux-ci ne décolèrent pas). Il n’en fallait pas moins pour faire monter la mayonnaise, et espérer un retour sur investissement proportionnel à l’à-valoir versé aux auteurs (300 000 euros chacun selon la rumeur, 150 000 selon l'éditeur). Un mois plus tard, c’est la douche. 34 000 livres ont été vendus au 9 novembre, chiffre dérisoire si l’on considère la notoriété des intéréssés et les moyens médiatiques mobilisés (journal de 20 heures, émissions spéciales etc.) Les retours du BHL-Houellebecq seront donc colossaux. Et l’éditeur va devoir détruire, purement et simplement, des dizaines de milliers de livres. On mesure le coût financier, et écologique, de l’opération. Là encore, le chiffre des ventes fait mal : il est l’indice d’une mégalomanie éditoriale et littéraire à laquelle les prix, cette année (on sait que POL, éditeur exigeant depuis 25 ans, a toujours préféré la modestie à l’esbroufe, l’intelligence aux effets d’annonce), ont d'ailleurs montré l'inanité.

Si les éditeurs n’aiment pas communiquer leurs chiffres, c’est aussi, souvent, pour ménager leurs auteurs. Quel serait l’intérêt, pour Flammarion, «palme des bides et des millions envolés», selon Backchich, de révéler à Catherine Millet que son livre, par rapport au précédent, par rapport à l’à-valoir reçu (500 000 euros), est un flop ? L’à-valoir est payé de toutes les manières. Il suffit à l’éditeur de rester flou, tout en évoquant des ventes légèrement inférieures à l’à-valoir versé. Plus judicieux, en effet, que de froisser l’auteur, qui sera tenté de croire que l’herbe est plus verte ailleurs (c’est faux). Pourquoi Grasset, encore, irait communiquer à Olivier Poivre d’Arvor les chiffres réels dont il dispose, s’agissant de son dernier roman ? Avec 3571 exemplaires vendus, mieux vaut, en effet, étouffer le bouillon.

Voici donc la liste, arrêtée au 9 novembre, des chiffres des ventes sélectionnés parmi quelques uns des romans de la rentrée les plus médiatisés. Si elle n’est pas exhaustive (j’aurais pu citer aussi Le Clézio, Werber ou Grangé), elle est cependant impitoyable. Ce qu’on lit (ou qu’on ne lit pas) en France aujourd’hui, c’est ça. (Source Edistat, remerciements à Gilles Cohen-Solal).

Les blockbusters
Amélie Nothomb : 160305
Jean-Louis Fournier : 94728

olivier-rolin-la-litterature-m-a-appris-l-ambiguite,M11709[1].jpgOh, les beaux jours
Laurent Gaudé : 68514
Yasmina Khadra : 52695
Jean Echenoz : 42338
Catherine Cusset (avant le Goncourt des lycéens) : 31341

Ceux qui s’en tirent à peu près
Alice Ferney : 22648
Olivier Rolin : 21506
Eliette Abécassis : 19549
Régis Jauffret : 17987
Jean-Marie Blas de Roblès : 14368
Michel Le Bris : 13439
Atiq Rahimi (avant le prix Goncourt) : 12355
Mathias Enard (avant le prix Décembre) : 11471
Amanda Sthers : 10845

La grosse poisse
Bernard-Henri Lévy/Michel Houellebecq : 33925
Catherine Millet : 28469
Christine Angot : 15171
Nina Bouraoui : 6283
Claire Castillon : 5053
Nathalie Rheims : 4837
Olivier Poivre d'Arvor : 3571

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