mercredi 7 janvier 2009

Marie Desplechin, Trop sensible

Est-ce que j'aime Marie Desplechin?

Compliqué.

Je lis chaque mot comme si je l'avais pensé ; il me semble qu'on est semblable, toutes les deux ; mais je n'apprécie pas réellement.
Ce qui est très vache, car je lis tout ce qu'elle écrit. Je commence, et je n'arrête qu'à la fin. A la fin, je dis : ouais ; facile ; et il y a pire.

Alors.
Trop sensible est un recueil de nouvelles.

Elles ont toutes les mêmes caractéristiques.

Je les raconte? Allez, oui.

Une question importante : la narratrice voit revenir avant l'heure son Régulier, d'un voyage en Italie (une Italie paradigmatique - il ne reviendrait pas d'un voyage à Cleveland ou à Clermont Ferrand, non, elle le dit elle-même, c'est le Grand Retour d'Italie) qui lui avait permis de mettre sur pied une soirée avec son Numéro Deux. Le Régulier lui propose, non pas le mariage, mais d'habiter avec lui et elle refuse, mais va finalement accepter. Le Numéro Deux est scié. ça va devenir acrobatique pour eux de se voir.

L'humour sauve le truc, mais ne masque pas le vide du texte, pourtant diablement sympathique. C'est le récit d'une amie ; je suis un peu dans ce texte. La narratrice y est comme moi, perdue, mère, débordée, avec son boulot et ses hommes. La Vraie Vie Quotidienne. Cela dit, on ne sent aucun souci matériel, aucun drame intérieur. Devrait-on le sentir? Le déchirement donne-t-il quelque chose en plus?

En mer : malgré une première expérience malheureuse, la narratrice cède au désir de son compagnon (pas plus le père de son fils que les deux hommes de la précédente narratrice), et embarque sur le bateau du père de son compagnon, Léon, avec son fils et un copain. Ils sont tous malades et doivent retourner au port ; le père et le fils se disputent un peu. La narratrice se fait un film, se voit quitter son compagnon mais finalement tout s'arrange une fois à terre. Texte léger et encore une fois, c'est ma vie (si j'avais été dans sa situation, ça serait passé exactement comme ça), c'est totalement pertinent, écrit avec finesse, subtilité, humour.
Une remarque matérialiste : la narratrice déplore la perte d'une paire de lunette à 500 francs ; petite différence avec moi : radine, je n'en achète pas de telles, justement pour ne pas éprouver la rage agacée de les perdre : mais nous sommes de part et d'autre du même sentiment.

Faute de temps, deux nouvelles suffiront à donner le ton de l'ouvrage.

Puis-je conclure? Aimé-je ou n'aimé-je pas Marie Desplechin? Je dois bien l'aimer, je dois bien l'apprécier, et j'en recommande la lecture : elle vous racontera, avec humour, comme à un repas avec une copine, ses histoires. Et vous les aimerez, et vous rirez. Et comme je serai heureuse d'écrire de telles histoires ! Son humour la préserve probablement de beaucoup de choses. Mais je regrette que le travail ne soit pas plus fouillé. Qu'elle n'aille pas plus loin dans l'analyse des sentiments. Je le regrette avec sympathie, mais je le regrette.
Il me semble percevoir, à la lecture du livre, à la culture de son auteure, que celle-ci se verrait volontiers écrivain, au contraire des fabricants de best sellers qui ont peut-être plus de modestie. Il me semble. Or, Marie Desplechin (comme je déteste être peau de vache) n'est pas un écrivain : c'est une femme drôle, intelligente, sensible, subtile, qui vit dans un milieu littéraire et cultivé et qui écrit bien.
Pas la même chose.

samedi 3 janvier 2009

Auteurs chiants

Il y a des auteurs chiants. Plein. C'est un truc que je n'ai jamais compris : certains auteurs sont rasoirs à mourir, écivent des textes qui emmerdent tout le monde, mais on les caresse et on les flatte dans le sens du poil.
Je ne comprends pas pourquoi, mais c'est comme ça.
Chaque fois que je pourrais, je tenterai d'élucider le mystère, mais d'ores et déjà, tentons une analyse.
Primo, le principe du petit monde. Tout univers est un petit monde. Celui de la littérature entre autre. Un petit monde d'auteurs et d'éditeurs. Et un petit monde qui revient de loin : depuis le XVIIème siècle, les Auteurs, les Gens qui Pensent et qui Ecrivent sont bien vus. Ils font des trucs avec leur tête : ils révolutionnent le monde. Alleluia !!! Le truc, c'est qu'à l'époque, si on pensait, il fallait écrire. Peu de gens pensaient, mais ceux qui le faisaient pensaient parce qu'ils écrivainet ou écrivaient parce qu'ils pensaient. En tout cas, il y avait un rapport. Vu la rareté de la Pensée (elle est toujours rare), ça valait le coup d'écrire, pour la fixer.
Depuis, il y a eu la IIIème République. La communale. Maintenant, tout le monde sait écrire. Tout le monde écrit. Résultat, dès qu'un type aligne trois phrases, il écrit, mais il croit aussi qu'il pense. Qu'il a un Message. Qu'il est un Artiste.
C'est valable en France, et à Paris ; ailleurs aussi, je l'imagine volontiers, mùais la France a une Place Intellectuelle à maintenir. Hélas, tout fout le camp. Les pensées sont devenues si maigrelettes qu'elles nécessitent plus d'efforts pour se maintenir en place que pour produire du contenu. D'où c'est tonnes d'écrivains pas forcément nullissimes, mais pas si géniaux que cela. Des gens ordinaires, cultivés, bien élevés, pourvus de relations, qui rédigent et utilisent leurs relations pour faire croire qu'ils ont de la valeur. Quand on les lit, on se dit que si lui, il est publié avec son truc, alors moi aussi je dois l'être avec le mien. Et pourquoi pas. Des bavards. Des bavards vides.
ça devrait faire rire, mais Dieu sait que ça se prend au sérieux, dans ce petit monde : le penseur est fielleux. D'ailleurs, ce n'est pas avec ses petits bras musclés qu'il va avoir du succès ! C'est avec sa petite pensée agressive, tournée vers lui, vers Paris, vers ses confrères qui lui bouffent l'espace. Une cour de récré littéraire qui tourne le dos au monde.
Moi, je lis comme une furieuse, pas forcément de bonnes choses : je lis pour me distaire, m'envoler, m'éparpiller. J'aime, ou je n'aime pas, pour des tas de raisons. Selon ma fantaisie. Et je partage. Avec vous. pas très nombreux, puisque je débute, mais j'ai bien l'intention de partager, et d'avoir des réactions.

mercredi 31 décembre 2008

Les vrais chiffres qui font mal


Bon, je sais, c'est mal, j'ai honte, mais tant pis, je commence par un copié collé, pour l'avoir toujours à main.
Ce post me fait rire. Il vient de .


Edition : les vrais chiffres (qui font mal)

Les chiffres qu’on va lire vont faire jaser. Ils ne sont pourtant pas secrets. Les éditeurs les connaissent. Ils les consultent tous les jours. Les auteurs, en revanche, et leurs lecteurs, n’y ont pas accès. Le grand public peut, c’est vrai, consulter les listes des meilleures ventes, publiées dans les journaux. Mais ces listes ne sont qu’un classement, et les chiffres réels des ventes n’y figurent pas. Les palmarès sont, en outre, d’une fiabilité toute relative : il n’est pas rare qu’un éditeur passe un coup de fil pour faire gagner quelques places à un auteur. Les journaux peuvent difficilement lui refuser cette faveur : les éditeurs sont aussi des annonceurs.

millet.jpgContrairement à ceux du cinéma (les chiffres de fréquentation, dans les salles, sont publiés partout, dès le jour de la sortie d’un film, au ticket près), les chiffres de l’édition demeurent donc confidentiels. Les professionnels du livre disposent de ces données, via les instituts de sondages (Ipsos, GFK, Edistat), qui pratiquent, au jour le jour, dans des centaines de points de vente, un décompte précis des sorties caisses. La marge d’erreur est faible. C’est le seul thermomètre qui permet de prendre la température de la lecture en France, à toute heure du jour et de la nuit.

Alors pourquoi ? Pourquoi ce silence des éditeurs quant aux chiffres réels de l’édition ? En ces temps de rachats d’auteurs et de coups marketing, où les à-valoir augmentent alors que les ventes sont en berne, il vaut mieux, sans doute, ne pas trop faire savoir qu’on a perdu sa culotte. Quand on sait que Christine Angot a touché, du Seuil, 250 000 euros (source Bakchich), que cette maison d’édition a, en outre, très largement investi dans la publicité du livre, il est évidemment douloureux d’avoir à reconnaître un chiffre de ventes catastrophique : 15 171 volumes vendus. D’être seulement absent des listes évite au moins de devoir rendre des comptes à l’auteur en colère.

nothomb.gifCes chiffres montrent en tout cas que la lecture a horreur du vide. Qu’elle a horreur des coups. Annoncé comme le best-seller de l’automne, le livre-secret conçu par Flammarion/Grasset (la correspondance Houellebecq-BHL) n’avait d’exceptionnel que sa mise en place : près de 150 000 exemplaires, vendus aux libraires de force, et à l’aveugle (ceux-ci ne décolèrent pas). Il n’en fallait pas moins pour faire monter la mayonnaise, et espérer un retour sur investissement proportionnel à l’à-valoir versé aux auteurs (300 000 euros chacun selon la rumeur, 150 000 selon l'éditeur). Un mois plus tard, c’est la douche. 34 000 livres ont été vendus au 9 novembre, chiffre dérisoire si l’on considère la notoriété des intéréssés et les moyens médiatiques mobilisés (journal de 20 heures, émissions spéciales etc.) Les retours du BHL-Houellebecq seront donc colossaux. Et l’éditeur va devoir détruire, purement et simplement, des dizaines de milliers de livres. On mesure le coût financier, et écologique, de l’opération. Là encore, le chiffre des ventes fait mal : il est l’indice d’une mégalomanie éditoriale et littéraire à laquelle les prix, cette année (on sait que POL, éditeur exigeant depuis 25 ans, a toujours préféré la modestie à l’esbroufe, l’intelligence aux effets d’annonce), ont d'ailleurs montré l'inanité.

Si les éditeurs n’aiment pas communiquer leurs chiffres, c’est aussi, souvent, pour ménager leurs auteurs. Quel serait l’intérêt, pour Flammarion, «palme des bides et des millions envolés», selon Backchich, de révéler à Catherine Millet que son livre, par rapport au précédent, par rapport à l’à-valoir reçu (500 000 euros), est un flop ? L’à-valoir est payé de toutes les manières. Il suffit à l’éditeur de rester flou, tout en évoquant des ventes légèrement inférieures à l’à-valoir versé. Plus judicieux, en effet, que de froisser l’auteur, qui sera tenté de croire que l’herbe est plus verte ailleurs (c’est faux). Pourquoi Grasset, encore, irait communiquer à Olivier Poivre d’Arvor les chiffres réels dont il dispose, s’agissant de son dernier roman ? Avec 3571 exemplaires vendus, mieux vaut, en effet, étouffer le bouillon.

Voici donc la liste, arrêtée au 9 novembre, des chiffres des ventes sélectionnés parmi quelques uns des romans de la rentrée les plus médiatisés. Si elle n’est pas exhaustive (j’aurais pu citer aussi Le Clézio, Werber ou Grangé), elle est cependant impitoyable. Ce qu’on lit (ou qu’on ne lit pas) en France aujourd’hui, c’est ça. (Source Edistat, remerciements à Gilles Cohen-Solal).

Les blockbusters
Amélie Nothomb : 160305
Jean-Louis Fournier : 94728

olivier-rolin-la-litterature-m-a-appris-l-ambiguite,M11709[1].jpgOh, les beaux jours
Laurent Gaudé : 68514
Yasmina Khadra : 52695
Jean Echenoz : 42338
Catherine Cusset (avant le Goncourt des lycéens) : 31341

Ceux qui s’en tirent à peu près
Alice Ferney : 22648
Olivier Rolin : 21506
Eliette Abécassis : 19549
Régis Jauffret : 17987
Jean-Marie Blas de Roblès : 14368
Michel Le Bris : 13439
Atiq Rahimi (avant le prix Goncourt) : 12355
Mathias Enard (avant le prix Décembre) : 11471
Amanda Sthers : 10845

La grosse poisse
Bernard-Henri Lévy/Michel Houellebecq : 33925
Catherine Millet : 28469
Christine Angot : 15171
Nina Bouraoui : 6283
Claire Castillon : 5053
Nathalie Rheims : 4837
Olivier Poivre d'Arvor : 3571